Ni dans les rouges-gorges ni dans les bisons

    Eva
    Taulois
    • 📅21.09.2019
      08.12.2019

    Au commencement des propositions d’Eva Taulois se trouvent des textures, des couleurs, ainsi qu’une atmosphère générale. Pour l’exposition personnelle qu’elle imagine au Centre d’art contemporain Chanot, à l’orée de l’automne, Eva Taulois prolonge la sensation de l’été en déployant son geste pictural sur des parasols qu’elle augmente de pièces sonores, actions, photographies et sculptures. Les différentes formes d’écriture poétique nourrissent la démarche et l’imagination d’Eva Taulois. Les titres qu’elle choisit pour leur puissance évocatrice, participent de la fiction qu’établi l’artiste dans ses expositions. Ni dans les rouges-gorges ni dans les bisons, ce fragment sibyllin qu’elle emprunte à Toni Morrison met en contact deux espèces animales que l’on n’imagine pas se rencontrer, mais d’emblée suggère des directions que parcourt l’œuvre d’Eva Taulois. La musicalité de la phrase évoque les rebonds que l’artiste injecte dans les dialogues entre les œuvres. Le soyeux des plumes de l’oiseau, le ouaté des poils du bovidé rappellent avec quelle précision l’artiste choisi ses matériaux et textures : plâtre, étoffe strassée, lycra, résine, velours… L’agilité aérienne comme l’emprise à la terre de ces animaux font écho aux lois de l’apesanteur qui régissent les œuvres de l’artiste. 

    Ouvrant une nouvelle étape dans son processus de travail, Eva Taulois orchestre un vaste projet et invite plusieurs personnes à s’associer à elle. L’accessoiriste Maïna Loaec, le musicien Pierre Lucas, la photographe Margot Montigny, la maquilleuse Bénédicte Trouvé, ainsi que son assistante Sarah Le Treut ont pris part à l’apparition de l’exposition au cours d’une résidence durant l’été au centre d’art. Reflet de ces temps d’expérimentations Ni dans les rouges gorges ni dans les bisons fait se rencontrer les médiums pour créer une totalité. Imaginons ce moment d’exploration préalable à l’exposition : l’artiste met en scène ses œuvres qui s’animent selon des scénarios. Les objets se déplacent avec agilité, s’observent et dialoguent jusqu’à prendre forme humaine : les bancs ont des yeux, des sculptures sont des visages et les parasols dansent, se déploient ou se replient. 

    Au cœur de cette écriture chorégraphique, la présence humaine est évanescente, elle porte les sculptures en mouvement et devient le support de la touche picturale qui s’étend sur la peau. Créant une tension entre l’œuvre et son lieu, nous basculons ici dans « l’art de l’espace et du mouvement », c’est ainsi qu’Oskar Schlemmer qualifiait ses pièces théâtrales et chorégraphiques. Les photographies prises par Margot Montigny mettent en abyme le décor que nous parcourons et révèlent différents temps suspendus vécus par les sculptures. Les bandes sonores composées par Pierre Lucas, issues d’une matière capturée durant la résidence, irriguent des stations d’écoute. La couleur est au cœur de la pratique d’Eva Taulois, les vives tonalités des parasols en sont les témoins. Avec la maquilleuse Bénédicte Trouvé elles se sont attachées à maquiller une peau comme on dépose un pigment sur la toile. Sur la surface du bras les aplats colorés s’effleurent et se superposent, tels les effets que l’artiste réalise sur une tête en céramique. Effaçant les frontières entre peinture et maquillage, ces traitements chromatiques apparaissent également sur les jupes des parasols et plongent le spectateur dans un horizon éclatant. Signe du soin qu’Eva Taulois porte au visiteur, l’exposition est aussi un ensemble à habiter. Les sculptures de plâtre évoquent la douceur de situations quotidiennes : s’assoir sur un banc, se lover dans les coussins, profiter de l’ombre d’un parasol. Ni dans les rouges-gorges ni dans les bisons est une exposition aux multiples récits, un livre ouvert, une scène expérimentale sur laquelle les objets prennent vie et le décor de nouvelles représentations possibles.

    Commissaire

    Madeleine Mathé

    👉Site de l’artiste

    Eva Taulois

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    Activation de l’exposition

    Rencontre
    Eva Taulois
    Biographie d’Eva Taulois

    Eva Taulois a grandi au bord de la mer. Après plusieurs années passées à Paris, elle vit désormais à Nantes, où elle a installé son atelier dans une ancienne piscine. Elle raconte des histoires avec des formes et donne très souvent des titres de morceaux de musique à ses oeuvres. Elle aime s’assoir dans des expositions comme on s’assoit devant un paysage.

    Depuis sa formation à l’école des beaux-arts de Brest, Eva Taulois s’intéresse à la souplesse des matériaux, à leur capacité à recouvrir un objet. Elle regarde de près des savoir-faire artisanaux et industriels et se les approprie. Elle dessine, taille, recouvre, modèle, peint, orchestre des scénographies. Ses oeuvres et agencements d’objets sont marqués par le purisme, défini en 1918 par Amédée Ozenfant et Le Corbusier, doctrine moderne préconisant une fusion de l’art et de la vie, autour de formes simples, permutant peinture, sculpture, architecture, design, mobilier, vêtement. Dans ses récentes propositions, l’exposition devient le théâtre des objets qu’elle crée. Elle se plaît à imaginer ses oeuvres comme des personnages qui dialogueraient entre eux, qui « vivraient leur vie ». Ces formes, à la fois accessoires de scène, actrices à part entière pendant une performance et sculptures dans l’espace d’exposition, rappellent les objets géométriques inventés par Guy de Cointet en Californie dans les années 1970. Comme ce dernier, Eva Taulois cherche un pont entre art minimal et art de la scène ainsi qu’entre abstraction et codes culturels. Chez Eva Taulois, tout est affaire de matière et de surface : la profondeur d’un velours, les reflets synthétiques d’un plastique, la rugosité du crépi… les couleurs occupent également une place à part entière : flamboyantes, elles créent une rythmique et une atmosphère accueillante pour le visiteur.

    Eva Taulois est née en 1982 à Brest, elle vit et travaille à Nantes. Sélection d’expositions personnelles : La musique se lève à l’ouest, Centre des Arts, Douarnenez (2019) ; Des reliefs nets aux ombres vives, Frac Bretagne, Saint-Briac sur mer (2019) ; Elle parle avec des accents, Frac des Pays de la Loire, Carquefou (2018) ; The Fun Never Sets, Les capucins, Centre d’art contemporain, Embrun (2017) ; Make Yourself Comfortable, en Résonance avec la Biennale de Lyon 2017, La BF15, Lyon ; Un peu de soleil dans l’eau froide, en duo avec Virginie Barré, CAC Passerelle et DDAB, Galerie de Rohan, Landerneau (2016) ; I Never Play Basketball Now, Diagonale, Montréal, Canada (2015). Sélection d’expositions collective : Le club, 29 ème Résidence des Ateliers des Arques, commissaire Solenn Morel (2019) ; Some of us, 200 artistes émergentes en France depuis 1999, Kunstwerk Carlshütte, Büdelsdorf, Allemagne (2019) ; Flatland / Abstractions narratives #2, commissaires Marianne Derrien et Sarah Ihler-Meyer, Mudam, Luxembourg (2017) ; Histoire de formes, commissaire Eric Dégoutte, Centre d’art contemporain Les Tanneries, Amilly (2016).